L'Enfer pour Aube
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L'enfer pour aube - Découvrez l'interview des auteurs Philippe Pelaez et Tiburce Oger

Paru le 28.02.2022
L'actu BD

1903 n’augure rien de bon pour ce début de siècle. La Belle Époque n’a jamais si mal porté son nom. Les parisiens ont peur. Les terribles apaches, ces truands voyous ou marlous, sèment la terreur au sein de la capitale dans une atmosphère délétère d'idéal révolutionnaire. La police est déjà débordée alors qu'un tueur énigmatique marque de sang et d’or certains notables la ville lumière. Dans la BD L'enfer pour Aube, suivez la trace rouge laissée par le tueur si vous en avez le courage ! Découvrez la genèse de cet album avec cette interview du scénariste Philippe Pelaez et du dessinateur Tiburce Oger.

L’enfer pour Aube pourquoi ce titre ?

Philippe Pelaez - Le titre de l'album est tiré des vers d’un poème de Victor Hugo, À ceux qu’on foule aux pieds, issu du recueil L’Année terrible (1872), dans lequel l’auteur, qui était plutôt indécis au début de la Commune (18 mars-28 mai 1871) se range définitivement du côté des Communards, c’est-à-dire des "misérables" qui aspirent à un monde nouveau et plus égalitaire :

(…) tandis qu’à l’horizon sinistre,
Sous des nuages lourds, hagards, couleur de sang,
Chargé de spectres, noir, dans les flots décroissant,
Avec l’enfer pour aube et la mort pour pilote,
On ne sait quel radeau de la Méduse flotte !

Alors que je pars presque toujours d'un titre avant d'imaginer une histoire, celui-ci est venu bien après, dans le cas de "L'Enfer". Il me fallait quelque chose qui claque, mais qui soit aussi une référence à cet épisode si singulier de l'histoire de France faisant suite à la défaite de Sedan contre les Prussiens. Dans la lignée du poème de Hugo, j'ai choisi un narrateur omniscient à l'écriture très littéraire.

L'Enfer pour Aube

Une BD est toujours le fruit de la rencontre d’auteurs. Pouvez-vous nous raconter la vôtre ?

Tiburce Oger - Un ami commun m'a donné ce scénario, Philippe voulait que je dessine. Il a usé de force menaces puis de promesses que je ne peux raconter :) . En réalité, j'ai adoré l'écriture de Philippe, c'est un réel talent d'écrivain.

Philippe Peleaz - Tiburce et moi avons une connaissance commune, Fred Michau. Fred a investi pas mal d'argent sur mes projets quand je me suis lancé, à mes débuts, dans l'aventure du financement participatif avec la maison d'édition Sandawe, où j'ai publié 7 albums en trois ans. Fred, ami d'enfance de Tiburce, lui a conseillé la lecture du scénario de L'Enfer pour aube. Il faut croire qu'il a été séduit ! Bien sûr, il fallait ensuite être sur la même longueur d'onde, car l'alchimie entre un scénariste et un dessinateur est nécessaire pour réussir à faire un beau livre. Je suis pour ma part extrêmement fier d'avoir fait ce diptyque avec un artiste que j'admire depuis des années.

L'Enfer pour Aube

Ce Paris du début du siècle est impressionnant de crédibilité. Avez-vous fait des recherches poussées pour rester proche de la réalité ou vous-êtes vous laissé une marge d'interprétation ?

Tiburce Oger - J'ai pas mal de vieux livres de mon arrière-grand-père, depuis la construction de la Tour Eiffel jusqu'à la première guerre mondiale. J'ai également quelques livres sur le Paris de 1900 et Philippe m'a fourni de la documentation. Et puis internet est là. Pour l'atmosphère, je recherchais plutôt un Paris fantasmé sortant des romans à deux sous, la malle sanglante, les mystères de Paris, etc... J'ai puisé également sur mes impressions de promenade dans les quelques vieux quartiers de Paris, les bords de Seine que j'aime beaucoup et qui rassurent par leurs vieilles pierres le campagnard que je suis. La foule, le métro, les buildings sont tout ce que je fuis le plus possible mais quand je sors de la gare Montparnasse, le sac à l'épaule, flâner dans les rues de cette fourmilière me plait. Ce sont ces petites rues adjacentes aux boulevards, avec ici et là quelques vieilles bâtisses tordues que j'ai voulu retranscrire.

L'Enfer pour Aube

Philippe Pelaez - En ce qui me concerne, j'ai fait un très gros travail de documentation sur certains aspects qui sont mis en avant dans l'histoire, comme la construction du métro, les grands magasins, la Commune de Paris (même si je connaissais pas mal le sujet grâce à l'historien Henri Guillemin). La plus grosse partie du travail a été de m'immerger dans l'état d'esprit "Apache" du début du siècle : j'ai lu énormément d'ouvrages sur le sujet, des chansons d'époque, mais aussi deux dictionnaires d'argot des voyous de l'époque pour intégrer leur phrasé.

Le parti pris de la mise en couleur est primordial. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Tiburce Oger - J'ai choisi le gris - sépia en référence aux vieilles photos du début XXème siècle et parce que je trouve que cela donne une atmosphère plus dramatique à l'histoire. Le cinéma expressionniste des années trente m'a sans aussi influencé. Les touches sanguines sur des éléments bien particuliers apportent des ponctuations colorées au fil des pages.

L'Enfer pour Aube

Votre héros pourrait être l’enfant caché du Shadow et de Aristide Bruant. Pouvez-vous nous dire quelles ont été vos inspirations ?

Philippe Pelaez - Les toilettes de mes parents. Très sérieusement, ils y avaient accroché des reproductions de dessins et d'affiches d'Henri de Toulouse-Lautrec. Pendant des années, j'ai eu face à moi Aristide Bruant, le Moulin-Rouge, et le Chat Noir. Et quand j'ai commencé mon histoire, le mystérieux inconnu qui terrorise les bourgeois de Paris a très vite pris l'apparence de Bruant, ce chansonnier et écrivain au bagout inimitable. Mais je dois très vite préciser que ce n'est pas lui dans l'Enfer !

Tiburce Oger - Aussi bizarre que cela puisse paraître, je ne connaissais pas The shadow et j'ai découvert par hasard sur Facebook une parution alors que je terminais l'encrage du premier tome. Je m'étais basé sur la description du personnage fournie par Philippe qui donnait Bruant en référence. Pour le côté bondissant du personnage, je l'ai travaillé comme le héros de ma série Gorn en accentuant le mouvement des vêtements, tels des volutes fantomatiques.

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